Ben alors, pour ou contre la 5G ?

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J’écris cet article alors que j’ai eu une demande de la part de France 3 AURA pour une petite discussion sur le sujet de la 5G (je mets la vidéo dès qu’elle existe, promis vidéo ajoutée en fin d’article) notamment car j’ai écris 2/3 trucs dessus. Je vais donc ici tenter de répondre à cette épineuse question « pour ou contre la 5G ?  » Me concernant, je suis actuellement ni pour, ni contre, bien au contraire. Plus sérieusement, je vous présente ce que je comprends de la 5G, avant d’essayer d’argumenter sur le « ni pour ni contre » et de faire une conclusion foireuse sur la politique et les risques derrières la 6G parce que pour la 5ème, désolé, c’est plus ou moins plié…. Et déso pas déso, c’est très long.

C’est quoi la 5G ?

Bon avant tout je précise que je fais partie du projet 5G-ALLSTAR financé par le programme H2020 de l’Union Européenne (No. 815323) et le gouvernement Sud-Coréen (No. 2018-0-00175). Cet article ne porte que mon opinion à travers ce que j’ai fait, lu et compris de la 5G. Je ne suis pas du tout un spécialiste des télécoms, contrairement aux collègues, incroyablement doués, du projet européen que je salue et remercie au passage. Donc pas de jargon technique car les algo d’optimisations des signaux satellites en fonction de différents paramètres, j’y connais que dalle.

En revanche j’ai participé aux discussions, aux réflexions sur les modalités de standardisations et les conséquences, notamment sur les modèles économiques des entreprises, de la 5G, (notamment par satellite) et j’aime à partager tout ce que je peux, à donner pour recevoir en somme, mais c’est une autre histoire.

Déjà parler de « la 5G » c’est trompeur. La 5G c’est un ensemble de technologies qui visent à apporter un gain d’efficience sans précédent sur la capacité, la fiabilité et la consommation énergétique des réseaux mobiles (cherchez pas cette définition, elle est issue d’un working paper qui ne sera sans doute jamais terminé). C’est juste l’acronyme de 5ème génération, comme 4G était celui de la quatrième. Quoiqu’il en soit, le but de la 5G est de favoriser trois catégories d’usages symbolisés pas les acronymes : eMBB, mMTC, uRLLC. Ce qui en détail signifie :

  • eMBB (Enhanced Mobile Broadband) – vise à répondre à la demande des consommateurs pour un mode de vie de plus en plus numérique. Il se concentre sur les services qui ont des exigences élevées en matière de débit, comme la diffusion de vidéos HD ou l’utilisation de contenu de réalité augmentée.
  • mMTC (Massive Machine Type Communications) – vise à répondre aux demandes des entreprises pour une société hyper-numérique et se concentre sur les services qui ont des exigences élevées en matière de densité de connexions, comme les villes intelligentes ou l’internet des objets (IoT).
  • uRLLC (Ultra-reliable and Low-latency Communications) – vise à répondre aux attentes des entreprises fournissant des services sensibles à la latence et à la fiabilité, tels que la conduite autonome, ou le contrôle à distance des infrastructures critiques.

Pour réaliser ces usages, y’a un énorme effort international (notamment Européen avec le reste du monde) de standardisations des protocoles, des technologies, etc, pour faire que ça fonctionne (le projet dont je fais partie cherche par exemple à intégrer réseau cellulaire terrestre et satellite de manière invisible pour les usagers). Les travaux dessus ont commencés y’a plus de 10 ans pour les premiers, notamment sous le cadre du « 5G Public Private Partnership » de l’UE, et sont désormais terminés. Alors ça fait débat maintenant, mais en vrai il faudrait remplacer le mot 5G par 6G pour être vraiment pertinents car tout ou presque a déjà été tranché. Oui, vous avez bien lu 6G et ça a démarré vers 2020 et la France n’est pas en retard notamment par exemple avec le CEA Leti qui a lancé fin février 2021 (y’a quelques jours) une initiative pour, entres autres, l’intégration de la nanoélectronique dans la 6G.

Techniquement, ben j’ai pas trop envie de vous gaver de trucs pas forcément utiles pour cet article, et en plus je risque de faire quelques bourdes alors regarde ici y’a la vidéo d’une revue (IEEE Spectrum) qui est vraiment top, je vous laisse quelques minutes… … … Bon, on reprend.

Pour résumer, si on épluche les publications sur la 5G on peut faire un vs avec la 4G sur pas mal d’éléments, et je l’ai fait pour vous (sources : 5G-PPP (1, 2, 3), UE et ITU) :

Indicateur de performance4G5GAmélioration
Mise en œuvre du service5400 minutes90 minutesmise en service 60X plus rapide
Trafic par zone géographique10 Gb/s/km²10 000Gb/s/km²X 1 000
Nombre d’appareils connectés par zone géographique10 000/km²1 000 000/km²X 100
Taux de transfert max. par utilisateur par zone géographique100Mb/s10 000 Mb/sX 100
Latence Mini.30ms1msX 30
Précision de localisationpas pris en compte<10 cm 
Disponibilité99,99%99,999%0,01%
Mobilité350 km/h500 km/hX 1,5
Consommation énergétique100%10%X 10
Dépense opérationnelle gestion du réseau100%20%coût /5
5G vs 4G, oui, c’est mieux…

Pour résumé, c’est effectivement une avancée technologique indéniable cette 5G, c’est aussi la possibilité pour l’infrastructure d’évoluer en fonction du logiciel et ça c’est incroyable et amène de nouvelles possibilités de services ou de couple produits/services. Mais c’est aussi de nombreuses questions dans sa mise en œuvre et des gardes-fous à poser avant son déploiement complet je pense.

Pour ou contre quels risques ?

Bon, y’a pas vraiment d’histoire à raconter là alors je fait une petite liste à points, des pour et des risques de la 5G, dans l’ordre, les risques sanitaire, la fin des zones blanches, un boost sur l’innovation, un aspect sur l’écologie et enfin un aspect citoyen fondamental.

  • Les premiers « risques » que j’ai entendu sur la 5G c’est le antiondes… Bon, pour faire très simple il n’existe pas de risque sanitaire avéré compte tenus des normes actuelles notamment sur les antennes relais et les ordiphones. Notons que ces derniers ou votre box wifi émettent bien plus « contre » vous qu’une antenne, même à proximité, si vous le gardez tout le temps près de vous. Attention, oui les champs électromagnétiques sont nocifs sur certaines doses, mais pas la limite des normes actuelles.
    Précisons que des études sont en cours dans le cadre du déploiement de la 5G (les modélisations ont leurs limites) mais que plus d’antennes c’est mieux car les ordiphones émettront moins puissamment pour communiquer avec elle et que les technologies 5G étant à plus hautes fréquences les ondes pénètrent moins dans les tissus – en plus d’être émises à la demande et en direction de l’utilisateur (cf. la vidéo précédente). Et dernier point, vous pouvez demander à l’ANFR une mesure des ondes chez vous, et accéder à l’ensemble des mesures ici.
  • La 5G, notamment parce qu’elle est nativement capable de lier les réseaux satellites et terrestres peut potentiellement sonner le glas de zones blanches (j’en parlais ici avec des collègues et plus de détails sur notre publication ici). En effet, en France la fibre est très mal disponible et chère, et ce en dépit des annonces politiques. La 5G pourrait permettre de pallier ce manque notamment via des offres dédiées. C’est d’ailleurs déjà en partie le cas de la 4G qui sert de point d’accès pour une connexion Internet de plus de la moitié des personnes dans des petites communes. Précisons au passage que cette connexion n’est pas une vraie connexion à l’Internet et peut poser des problèmes de neutralité, nous y reviendrons dans le dernier point. On imagine aussi des réseaux provisoires pour différentes raisons (catastrophes naturelles) possible via des satellites ou même des drones.
  • L’infrastructure peut évoluer en fonction du logiciel, et ça c’est nouveau, c’est à dire que, pour faire simple, le réseau peut être découper pour un service qui nécessite de la données. Pour reprendre l’exemple de l’article que j’ai coécrit avec des collègues « on n’achètera de Netflix pas seulement l’accès à son catalogue mais aussi l’accès la connexion permettant de consommer son catalogue », mais c’est avec un exemple « connu ». Je n’ai pas de boule de cristal mais cela peut redistribuer la valeur différemment de ce qu’elle est aujourd’hui – pour faire simple les fournisseurs services prennent beaucoup (à « relativiser c’est leurs chiffres) – 47% en 2016, les gens de l’infrastructure peu – 17% en 2016 – même si le chiffre d’affaires augmente significativement et que l’investissement stagne. En effet, on pourrait voir apparaître des stratégies multi-acteur et des contrats multi-parties, nécessitant de mettre le service pour les clients au cœur de l’offre. De plus, la production d’un service étant potentiellement moins couteuse et nécessairement beaucoup plus rapide, il est possible d’imaginer de nouveaux acteurs proposant des innovations comme le furent Google ou eBay en leur temps avec le web, sous réserve de ne pas laisser cela uniquement aux seules mains des acteurs importants qui, par pouvoir de négociation, ne permettront pas à l’invention de rencontrer un marché.
  • Sur l’aspect écologique, et parce qu’il faut en parler, je ne citerai que quelques statistiques et laisserai quelques questions dont je n’ai pas la réponse… Internaute averti, si tu souhaites me répondre je suis preneur. Première élément, on entend souvent dire que la 5G c’est écologiquement mal car il faudra renouveler les ordiphones. C’est vrai et faux. En effet, les téléphones actuels ne sont pas capables d’utiliser les fréquences 5G (mise à part certains modèles et pou les plus basses fréquences de la 5G qui est de la 4G+, voilà c’était pour faire mon expert du domaine), il en faut donc un nouveau. Mais c’est faux dans le sens ou le taux de renouvellement moyen en France est de 2 ans et que la 5G va mettre a minima quelques années pour être accessible, cela engendrera que peu de renouvellement forcé (on pourrait noter les incohérences des français sur leurs usages mais l’acteur, le système, tout ça…). Deuxième éléments ce n’est pas, en France, l’usage qui est responsable de pollution, mais la production (70% de la pollution globalement et 90% pour les ordiphones) et la commercialisation. Au passage, a données équivalente la 5G consomme 90% moins et sachant que la 4G subit une croissance du la consommation de données de 30% par an (même rapport du sénat) ça me semble une bonne piste pour éviter une explosion de la consommation de l’infrastructure et sa saturation… En revanche mes questions écologiques demeurent sur l’aspect infrastructure, en effet, envoyer des satellites, des drones, renouveler et densifier les antennes, tout cela n’est pas neutre, est-ce que les antennes de générations précédentes sont réutilisées ou recycler ? déjà qu’on n’est pas bon avec les ordiphones. L’impact que cela aura, je ne sais pas, mais je suis pas super optimiste aujourd’hui… à bon entendeur si tu peux m’éclairer….
  • Bon jusqu’à présent ça sonne plutôt bien la 5G, mais il ne faut pas négliger les risques, notamment pour nous, citoyens d’une société de plus en plus numérisée. Pour ce point je n’ai rien de plus à ajouter aux mots de Félix Tréguer exprimés sur le site de la quadrature du Net :
     » Convenons au moins de ça : le déploiement de la 5G ne nous rapprochera pas d’un iota de nos objectifs. Les gains en puissance de calcul, en capacités de stockage, ou comme en l’espèce en vitesses de transmission et de latence, ont essentiellement pour effet de renforcer l’informatique de contrôle que l’on est censés combattre. La 5G présente des risques importants pour la neutralité du Net. Il est très clair qu’elle ne bénéficiera nullement aux hébergeurs alternatifs comme Framasoft et ses CHATONS, ni aux opérateurs de la Fédération FDN. Tout porte à croire qu’elle fera en revanche les choux gras des multinationales qui dominent déjà le secteur – de Google à Netflix en passant par Thales – et des alliances public-privé formées pour nous surveiller et nous administrer.  » C’est d’autant plus frustrant que les solutions existent et que nos gouvernants les ignorent. Et sur ce point, au final, dans les projets que j’ai pu voir il y a des instituts de recherches publics, des grosses boîtes privées, mais je n’ai pas croisé de représentants des citoyens, sans doute cantonnés sur l’aspect politique, et avec du recul, c’est à corriger, et dommageable.

C’est citoyen et politique tout ça…

Sur la 5G, je suis ni pour, ni contre, bien au contraire (salut Coluche). Mais en vrai c’est déjà trop tard. Pour la 6G par contre, au delà des solutions proposées si dessus par la quadrature, il faudrait une forte volonté politique pour nécessité, dès maintenant car les recherches commencent, et encore plus que ce qui est déjà le cas, une éco-conception, une réduction drastique de la possibilité de mise sur le marché sous réserve de recyclage et d’ouverture des logiciels, pousser aussi les recherches sur les impacts des radiofréquences à long terme pour évacuer les dernières incertitudes, généraliser le privacy by design, etc..

Pour le moment, alors qu’il serait fou de nier l’intérêt, encore sous-exploité, de permettre à toutes et à tous d’accéder, de créer et de diffuser de l’information quand même qu’Axelle Lemaire affirme que « ces technologies fournissent de nouveaux outils qui révolutionnent les relations institutionnelles et la manière dont les sociétés fonctionnent, responsabilisant les individus et leurs capacités à participer et à contribuer au processus de production et de prises de décision. » Force est de constater que, aujourd’hui, ces technologies servent l’intérêt de puissantes organisations à but généralement lucratifs et ne servent ni ne sont accessibles aux citoyens, sauf sous la forme de nouveaux services payants ou gratuits, d’outils de surveillances et de contrôles des comportements. Le pire c’est qu’on peut rétorquer à cette position une position qui affirmerait la suprématie du marché mais c’est faux (notamment avec les enjeux économiques derrière le lobbying est intense), c’est un modèle de société qui est en jeu finalement, et la 5G, 6G, je crois a le potentiel de cristalliser le débat et de redonner, comme Axelle Lemaire le disait, le pouvoir au citoyens dans la prise de décisions.

Alors du coup j’ai envie de dire à nos responsables politiques, décideurs et en référence à cet article (que j’avais partiellement reproduit) ou à celui de Cory Doctorow :

Sans faire référence à Wikipedia, pouvez-vous me dire les différences entre Internet, le web, un navigateur web et un moteur de recherche ?
Si la réponse est non, vous n’avez aucun droit à prendre des décisions qui affecterons mon usage de ces technologies.

http://coding2learn.org/blog/2013/07/29/kids-cant-use-computers/

Et merci au passage à tous les membres du 5G-ALLSTAR et plus particulièrement Emilio. Merci aussi à la Quadrature du net pour les prises de paroles et les positions qu’elle défend, pour nous tous, citoyens d’un monde numérique, sur un terrain éminemment politique et pollué par des intérêts privés.

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