Le bouquin d’Antonio Casilli, en attendant les robots, 2019 -> IL FAUT ABSOLUMENT LE LIRE !

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Il est sous-titré « enquête sur le travail du clic » un sous-titre d’une seconde édition pourrait être « enquête sur les humains dans votre IA » ou un truc encore plus putaclic ^_^. Attention, comme d’habitude, je suis évidemment subjectif. Qui plus est, baignant un peu comme vous le savez là dedans, il était l’intervenant principal de la conférence de l’Association Information & Management en 2022. J’ai même eu droit à ma dédicace du coup (cf. ci dessous, d’ailleurs j’adore l’exercice des dédicaces d’ouvrages, j’en ai une petite collection désormais, mais ce n’est pas le propos). L’idée derrière le livre est, je pense et pour le résumer crument, de dresser une sociologie globale des humains derrière la numérisation. Et le constat est alarmant, on y retrouve, du travail dissimulé, non rémunéré, l’exploitation de nos fonctionnements cognitifs et sociaux, à des fins de captations et de non-répartition de valeur économique… Petite synthèse.

photo de la dédicace du livre "en attendant les robots"

Après une perspective historique sur l’automation qui permet de repositionner le tâcheron dans l’ère de la numérisation, l’auteur démontre un fait : il n’y a pas d’automatisation (automation, je sais pas trop) au détriment du travail humain. Dis autrement, la numérisation et l’automation se font, nécessairement, avec du travail humain, souvent en oubliant des acquis sociaux et économiques liés à un contexte, notamment géographique (salaire minimum, protection sociale, etc.). Je ne détaillerai pas ici d’exemples en particulier, le livre en foisonne, littéralement.

D’ailleurs à la lecture du bouquin quelques chose m’a interpelé (au delà du contenu en tant que tel), ce livre me fait penser à une thèse au sens universitaire du terme. Thèse à laquelle on aurait virer la partie méthodologie et épistémologie (même si on peut la reconstruire en partie à la lecture de l’ouvrage). La pertinence et la densité des références, académiques pour la plupart, l’utilisation d’une perspective historique, critique, pour renouveler certains concepts clés dans le prisme du numérique comme tâcheron, colonialisme ou classe ouvrière est pour moi d’une résonance presque choquante. Je ne vais pas vous mentir, je savais plus ou moins explicitement ce que j’ai lu, mais l’angle particulier et l’écriture d’Antonio font ressentir cela.

Pour synthétiser il s’agit ici de documenter et démontrer que les activités que nous faisons, quotidiennement toutes et tous dans un environnement digitalisé (au sens exprimé par de Vaujany, 2022, le bouquin ici (critique à venir)) est en fait du travail, dissimulé, exploité, sous-payé et monétisé, souvent, par des géants capitalistes.

Attention il ne s’agit pas de critiquer un modèle économique de société, frontalement, mais bien de rendre compte, d’un ensemble de pratiques, assez crades, basées, je dirai sur l’exploitation de nos comportements pro-sociaux ou l’exploitation tout court de l’abaissement des frontières du capital et du travail dans un contexte digital. Ainsi on se retrouve à nourrir des artefacts génératifs. Artefacts génératifs est mieux qu’intelligence artificielle (génératives ou non). En effet, on parle à tors d’intelligence artificielle alors, et c’est largement démontré par le bouquin mais aussi récemment par le Time, qu’il s’agit avant tout d’exploiter des communs numériques et du travail humains. J’utilise donc le vocable proposé par Olivier Ertzscheid (AKA Affordance). Ces artefacts sont ensuite monétisés contre quelques cacahuètes digitales (un moteur de recherche : Google, un agent conversationnel : ChatGPT, etc.) auprès des usagers.

Dans les 300 pages du livre (si l’on enlève les notes et la postface) on plonge littéralement dans une histoire de la numérisation des pays riches, et la conséquence sur les humains, des pays riches mais aussi des pays dis en développement et ce, j’insiste de manière directe et documentée. Quand je dis documenté c’est à la fois par de la littérature académique, en majorité, par un travail d’enquête, par exemple à Madagascar (de mémoire) dans des fermes à clics ensuite ou, plus rarement, à partir du travail d’enquête de journalistes.

En bref, c’est une épopée critique de ce qui se cache, littéralement, derrière ces outils numériques, véritables systèmes d’information aux promesses d’automation toujours plus folles : l’exploitation du travail humain, caché derrière un automate digital.

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